Pour une partie de la recherche, le géographe grec Ptolémée est le premier à la mentionner au iie siècle dans son ouvrage Ptolémée, Géographie VI, 7/ 31-372, Makoraba (ainsi que Lathrippa soit Yathrib).
En 1987, l'historienne Patricia Crone remet fortement en question cette antiquité documentaire dans la littérature gréco-romaine, pourtant très largement admise, arguant que cela pose d'insurmontables problèmes philologiques et historiques3.
Le nom d'origine sémitique, dérive peut-être de l'éthiopien mikrab - « le temple ».
Une autre origine serait le mekwarb qui signifie le « palais », le « lieu-sacré » ou la « synagogue », sans être antinomique du sens surbaissé pour désigner « le lieu du sanctuaire », Macoraba suggérant la présence d'une ressource en eau pérenne qui attire une population sédentaire et près de laquelle la Ka'ba est bâtie à une époque indéterminée7.
Selon Christoph Luxenberg, le nom de la ville proviendrait plutôt de la racine araméenne Makk désignant une dépression topographique, soit notamment et justement une « vallée ».
Dans les parties géographiques des puranas, on trouve La Mecque sous le nom de Makeshvara.
Pour le texte bouddiste, la pierre noire qui y est entreposée , est l’emblème du dieu Shiva.
La Mecque dans le Coran (extrait de Wikipédia)
Le nom la Mecque n'apparait qu'à deux reprises dans des passages tardifs du Coran sous la dénomination de Makka (48,24) et celui plus controversé de Bakka (9,96) dont la recherche considère généralement qu'ils puissent constituer des dérivatifs de noms plus anciens dont il existe peut-être des traces notamment chez Ptolémée, identification antique controversée3.
La sourate 9,96 mentionne : « Allah dit : « La première Maison qui ait été édifiée pour les gens, c'est bien celle de Bakka bénie et une bonne direction pour l'univers » ». L'exégèse traditionnelle du Coran (Tafsir), reprise par nombre de chercheurs contemporains, assimile également ce nom de Bakka à celui de Makka/La Mecque pour revendiquer une grande antiquité à la ville, en faisant de la sorte le premier centre cultuel du monde. Cette assimilation et l'interprétation du nom sont également débattues 10.
Selon certaines interprétations enfin, Bakka désignerait l’esplanade où la Kaaba fut construite, tandis que Makkah (pour « La Mecque » en arabe) désigne l’ensemble de la cité11. Enfin, al Haram signifiant « sacré », le territoire autour des deux villes saintes de La Mecque et de Médine se dit al-balad al-ḥarām, « le territoire sacré ».
سورة الفتح
سورة التوبة
Fondation traditionnelle
On appelle généralement « Tradition musulmane » ou « islamique » « l'ensemble des textes produits ou enregistrés aux premiers siècles de l'islam »14.
Selon le Coran et les hadith, la ville aurait été fondée avant la période islamique par Ibrahim et Ismaël. Dieu renouvelant solennellement son alliance en leur faveur, convoque les hommes à « la Maison », al-bayta (يتيب), transposition directe du syro-araméen bayta (ܐܬܝܒ), pour qu’ils adoptent « pour lieu de prière, ce lieu où Abraham se tint » (s2/v 125).
Cette tradition coranique correspond au dogme religieux selon lequel la première « demeure (bayt) divine » terrestre a été créée par Abraham à La Mecque15, affirmation qui atteste de la polémique entre Mahomet et la communauté judaïque de Médine, ainsi dépossédée de la figure patriarcale fondatrice désormais islamisée16.
Les récits anciens transmis par la Tradition musulmane expliquent que c'est une source miraculeusement apparue grâce à une intervention divine qui est à l'origine de la ville. L'histoire rapportée par les Qisas al-anbiya, le Livres des Prophètes, rejoignant partiellement un récit de la Genèse17, explique que l'épouse d’Abraham (Ibrahim), Sarah (Śāra), exige de celui-ci qu'il exile sa concubine Agar (Hajar) et l'enfant qu'elle lui a donné, Ismaël (Ismāʿīl)18.
"Hagar and Ishmael" | Frederick Goodall - 1866 |
Ismaël, devenu un homme, prend pour épouse une Jurhum. Abraham vient le visiter une fois par an et au cours de l'un de ces séjours, reçoit l'injonction divine de construire le sanctuaire de la Kaaba. Les deux hommes se font aider par les Jurhum qui se convertissent alors au monothéisme du Patriarche19.
les empreintes des pieds d'Abraham à la Mecque. |
La Mecque pré-islamique
L'histoire pré-islamique de La Mecque est assez obscure16. Dans les dernières décennies du xxe siècle, les vestiges antiques, médiévaux et modernes de la ville ont été détruits systématiquement et l'on ignore dès lors tout de son archéologie20. Son implantation ne doit rien à la route de l'encens sur laquelle elle ne se situe pas et son implantation sédentaire, à la différence de la plupart des villes de la région ne doit rien à une oasis. Cette singularité relevée par le Coran21 participe de son caractère sacré, préexistant à l'implantation de l'islam. La ville s'est probablement structurée dans cette région aride autour d'un point d'eau qui existe toujours et dont il reste trace d'une divinité protectrice. Il accueille à sa proximité et à une date indéterminée un bétyle - une « demeure (bayt) du dieu (el) » - qui fait l'objet d'un pèlerinage aux environs de l'équinoxe de printemps16.
Aux vie et viie siècles, la Mecque est un centre économique modeste au regard des grandes cités caravanières comme Palmyre et Pétra, ses ressources apparaissent limitées et on y souffre régulièrement de la faim14. Mais c'est un centre sanctuaire et cultuel polythéiste qui abrite la Kaaba et accueille des pèlerinages donnant lieu à de grands rassemblements, notamment au cours des trêves, coïncidant avec la tenue d'importantes foires22.
La recherche actuelle revient sur l'idée largement partagées jusque là selon laquelle la péninsule arabique aurait alors été essentiellement dominée par une société de type nomade et il semble que La Mecque elle-même vive davantage du commerce à longue distance, qui implique une implantation sédentaire dans un cadre urbanisé, proposant des services de type entrepôts, établissements financiers ou administratifs… C'est probablement la place prépondérante qu'occupent les nomades dans la poésie préislamique - l'un des fondements de l'identité arabe - qui aura fait longtemps surévaluer leur rôle.
Concernant La Mecque, il semble plutôt que les habitants aient pris les nomades à leur service, établissant de multiples réseaux d'alliances commerciales et religieuses23. D'autre part, l'importance ainsi que le poids commercial et économiques de la ville à cette époque ont été réévalués à la baisse depuis les travaux de Patricia Crone qui montre la limitation des ressources et la modestie relative de sa taille, dont on ne trouve pas pour cette période d'attestation dans la littérature non-musulmanes14. La Mecque semble néanmoins avoir été, avec Najran et Adan, une ville active de la région témoignant d'une relative sécurité et prospérité24.
La tradition musulmane présente une Arabie préislamique misérable et anarchique appelée l'« Âge de l'Ignorance », traduisant une période de crise, d'appauvrissement et de dérèglements qui a probablement existé mais réduite à quelques dizaines d'années avant l'hégire25. Des populations nouvelles auraient alors pris la place de populations plus anciennes, dispersées ou disparues. À La Mecque, c'est Qusay qui, ayant uni les différentes tribus qurayshites au début du vie siècle26, prend le contrôle de la ville, six générations avant Mahomet27.
À la veille de l'Islam, la ville est passée de la domination du clan Hashîm et de la tribu Quraysh au sein duquel Mahomet voit le jour à celle du clan Umayya28 qui a bénéficié du commerce caravanier renaissant29.
Sur un plan religieux, la tradition atteste du polythéisme mécquois des qurayshites dont le panthéon se compose d'idoles que l'on trouve dans l'enceinte sacrée - le Haram - dominées par le dieu ancestral Hubal, accompagné de Manaf, Isaf et Na'ila (le culte de Isaf et Na'ila) 30. S'y superposent les divinités de l’association cultuelle dite Hums qui unit les tribus d'Arabie occidentale au sanctuaire mécquois31, parmi lesquelles on compte Allâh32 - dieu qui a pour sanctuaire la Kaaba et donne la victoire à Quraysh lors de la « Campagne de l'Éléphant » - et les déesses Allât, al-Uzzâ et Manât, ces dernières n'ayant ni idole ni sanctuaire dans la ville30.
À l'époque de la naissance de Mahomet et à l'instar du paganisme arabe ancien, le polythéisme mécquois est en déclin et il semble que les principales références intellectuelles et culturelles de la région soient essentiellement juives et issues des différentes confessions chrétiennes, ce qu'atteste notamment la familiarité des auditeurs de Mahomet avec les récits bibliques33.
À côté de l'adoption de cultes monothéistes existants, on constate également une tendance à adapter les cultes anciens à l'exigence monothéiste, tout en conservant les formes ancestrales de la religiosité locale, une tendance dont relèvent plusieurs réformateurs religieux parmi lesquels Mahomet34.
Période pré-musulmane[modifier | modifier le code]
L'historien grec Diodorus Siculus (60 – 30 avant J.-C.), dans ses écrits «Bibliothèque Historique» décrit un lieu sacré pour tous les Arabes et hautement révéré (Les Musulmans pensent qu'il s'agit de La Kaaba à La Mecque)35.
Bien que la région autour de la Mecque soit complètement aride et déserte, selon la tradition musulmane, la cité était riche, et la plus riche parmi les tribus installées dans cette partie de l'Arabie, grâce au puits Zamzam, dont l'eau a toujours été abondante et à sa position géographique sur la route des grandes caravanes. Au ve siècle, les Quraychites auraient pris le contrôle de la Mecque pour devenir des marchands et commerçants très habiles. Jusqu'au début du viie siècle, le dieu principal de la mythologie arabe est Hubal36.
Toujours selon la tradition, La Mecque était une place commerciale importante sur la route reliant le Yémen à la Mésopotamie. Les Quraychites participèrent au commerce lucratif des épices au 6e siècle. La route des épices de plus en plus menacée sur mer (piraterie) s'était déplacée sur des voies terrestres plus sûres. La Mecque devint un centre de commerce proéminent surpassant les villes de Pétra (Jordanie) et Palmyre (Syrie)37.
Ce lieu d'échanges aurait été à l'origine d'alliances entre les marchands de la Mecque et les tribus nomades qui commerçaient par caravanes de chameaux avec des villes de Syrie et d'Irak auxquelles ils apportaient du cuir, du bétail et des métaux qu'ils tiraient des mines locales dans les montagnes. Des récits historiques confirment le passage des marchandises venant d'Afrique et d'Asie (médecines, tissus, épices, cuirs, esclaves) grâce à des accords commerciaux avec les Byzantins et les Bédouins qui rapportaient des céréales, du vin, des armes ensuite redistribués en Arabie38.
Selon la Sunna, c'était aussi une ville sacrée du paganisme arabe, la Kaaba étant vénérée pour les idoles qu'elle contenait, dont la Pierre noire. Les pèlerinages étaient l'occasion de rassemblement pacifique entre les clans nomades qui, le reste du temps, s'affrontaient fréquemment. Une fois par an avait lieu un pèlerinage qui rassemblait les tribus nomades afin de célébrer les différentes déités arabes. Cet événement permettait le développement des relations sociales et des foires. S'est créée ainsi une notion d'appartenance et d'identité qui a fait de la Mecque un endroit important dans la péninsule. À la fin du 6e siècle, le commerce de la Mecque était à son apogée et représentait le pouvoir principal qui liait les habitants de la péninsule arabique39.
Le royaume d'Axoum, conduit par le général éthiopien chrétien Abraha tente d'envahir La Mecque mais ses troupes sont décimées par la peste. Les tribus menacées craignant une nouvelle attaque font appel au roi perse Khosro Ier : l'intervention des sassanides en 575 fait échouer une nouvelle tentative d'invasion40.
Bien que Saoudite (un terme qui peut inclure les déserts à l'est d'Al-Shams) était d'une importance politique et ecclésiastique au vie siècle, il n'est pas fait mention des Quraychites ou du centre commercial de La Mecque en aucune façon, dans toute la littérature grecque et latine de l'époque.
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Extraits du site http://www.capucins.net/coran-aujourdhui
Une ville inconnue des géographes de l’Antiquité
Avant l’islam, aucun géographe de l’antiquité ne mentionne La Mecque, ni directement, ni indirectement, ni sous le nom de La Mecque, ni sous un nom même vaguement ressemblant.
Carte du monde selon les descriptions de Ptolémée dans le livre Géographie 6 |
Voici ce que dit Patricia Crone à ce sujet :
"L’importance politique et religieuse de l’Arabie au sixième siècle était telle qu’une attention considérable a été portée aux affaires arabes. Mais de Qurays et de leur centre de commerce (La Mecque) on ne trouve aucune mention, que ce soit en grec, en latin, en syriaque, en araméen, en copte, ou en une autre littérature composée en dehors de l’Arabie avant l’époque des conquêtes.
Ce silence est frappant et significatif. Il l’est tellement qu’on a essayé d’y remédier. Ainsi, on nous dit que Qurays est attesté indirectement dans (cette expression de) Pline : Dabanegoris regio [1] ; que Ptolémée [2] (Géographe grec du 2ième siècle) mentionne La Mecque sous le nom de Macoraba, une appellation qui est censée refléter le portus Mochorbae de Pline identifié comme Jedda.
Enfin, Ammien Marcellin mentionnerait la Mecque, cette fois sous le nom de Hiérapolis (qui signifie la ville sacrée) [3]. Toutes ces suggestions doivent être balayées d’emblée : Dabanegoris regio ne peut se construire comme Dhu Bani Quraysh, "la (région) appartenant aux Bani Quraysh, comme le propose von Wissmann.
D’une part parce qu’une telle construction serait sudarabique plutôt qu’arabe – la langue qui devrait laisser ici sa trace. D’autre part parce que l’expression "Banu Quraysh" est impossible, Quraysh n’étant pas un nom patronymique : un groupe de Qoreychites se serait appelé Banu Fihr (Fihr est l’ancêtre des Qoreychites).
Par dessus tout, Pline situe la région en question en Arabie du sud est, plus précisément quelque part entre Oman et l’Hadramaout [4] ; et la même chose est vraie du portus Mochorbae mentionné dans le même passage. Que ces lieux, explicitement identifiés comme sud-est arabiques aient été interprétés de travers comme des domaines de Quraysh en dit long sur l’effet d’aveuglement provoqué par La Mecque sur les facultés critiques d’universitaires normalement sérieux."
Précisons que 1.500 kilomètres séparent La Mecque de la région située entre Oman et Hadramaout. La carte du chapitre 18 indique cette localisation.
"Ainsi en va-t-il de l’identification de la Macoraba de Ptolémée avec La Mecque, qui est presque universellement acceptée. Elle fut d’abord avancée sur la base d’une vague similitude de nom et d’une localisation vaguement correcte (avec une erreur de "seulement" 1.500 kilomètres), Macoraba étant supposé reproduire un nom comme Makka-Rabba, la Grande Mecque.
Mais cette construction n’est absolument pas plausible ; on l’a d’ailleurs abandonnée depuis au profit de makrab ou mikrab, qui signifie sanctuaire.
Mais, d’abord, la racine kbr en arabe ne dénote pas de sainteté, à l’opposé du sud-arabique, de sorte qu’une fois de plus la langue qui laisse sa trace n’est pas celle qu’on attendrait.
Ensuite, un nom composé des consonnes mkk ne peut pas dériver de la racine krb [5]. Il s’ensuit que Ptolémée a dû faire référence à une ville sainte, laquelle ne s’appelait pas La Mecque. Pourquoi alors identifier les deux ? Des tentatives de sauvetage de cette hypothèse, telle que mikrab Makka, "le sanctuaire de la Mecque," ne valent pas plus que Makka-Rabba, car ce dont nous aurions besoin clairement, c’est d’une terminaison féminine, puisque cette forme féminine a laissé sa trace dans la forme grecque du nom de la Mecque…Enfin, il n’y a évidemment pas de Makka chez Ammien Marcellin.
Il y a pire que l’absence de mention de La Mecque et des Qoreychites chez les auteurs antiques : pourquoi aller chercher La Mecque chez Pline et Ptolémée quand ce sont des auteurs comme Procope, Nonnosus et les auteurs ecclésiastiques syriaques qui auraient dû la mentionner ?...Il n’y a aucune mention de La Mecque pendant très longtemps ; les premières sources qui mentionnent le sanctuaire ne lui donnent pas de nom, tandis que la première source qui le nomme ne le situe pas en Arabie."
La première source qui nomme La Mecque est la Bible. Elle la situe en Syro-Palestine.
Dans la fameuse Charte de Médine, le nom de La Mecque n’apparaît pas : cette ville semble inconnue de Mahomet et de ses premiers compagnons.
[1] Pline l’ancien, Histoire naturelle, VI, 150.
[2] Ptolémée, Géographies, VII, 7, 32.
[3] Ammien Marcelin, Rerum Gestarum Libri, XXIII, 6, 47.
[4] Pline l’ancien, Histoire naturelle, VI, 149 à 154.
[5] An arabe, comme dans toutes les langues sémitiques, la majeure partie des racines sont composées de trois consonnes, les voyelles étant variables. Ces consonnes sont extrêmement stables. C’est pourquoi il est impossible de passer de krb à mkk. Il faut changer deux consonnes et changer en plus la place de la troisième. Il n’y a aucun exemple d’une telle évolution linguistique, non seulement en arabe, mais non plus dans aucune langue sémitique.
Le commerce mecquois
La ville était située dans une vallée stérile. D’après l’histoire califale, elle tirait sa subsistance du commerce international et des pèlerinages.
Le commerce allégué n’est mentionné que dans les documents califaux. S’agissant d’un commerce international, on devrait en parler aussi dans les pays de destination, ce qui n’est jamais le cas. De plus, à cette époque, le commerce à grande distance se faisait par mer. Dans la Rome de Dioclétien, à la fin du troisième siècle, le transport du blé était vingt-cinq fois moins cher par mer que par terre [2]. De La Mecque à la Syrie, sur 1.300 kilomètres de terre, le transport aurait été ruineux. Le commerce terrestre à grande distance était économiquement impraticable depuis des siècles à l’époque de Mahomet.
Les traditions sunnites mentionnent occasionnellement un port de La Mecque, Suayba ou Suaybiyah, mais on n’en trouve aucune trace dans aucun document, pas même sous un nom vaguement ressemblant. De toute façon les traditions parlent le plus souvent d’un commerce caravanier.
Les caravanes n’avaient aucune raison de passer par La Mecque. Elles ne pouvaient s’y ravitailler, car il ne pousse rien dans cette région. Les Mecquois sont d’ailleurs supposés vivre exclusivement d’importation. Ce n’est pas non plus un carrefour de routes caravanières, et en particulier, la route de l’encens, d’ailleurs empruntée pour un commerce purement local, passait à 160 kilomètres de là [3], alors que l’encens est supposé être un des produits dont La Mecque faisait commerce.
Les traditions califales font état d’encens, d’épices, d’or et d’argent. Cependant, l’encens et les épices ont été exportés par caravanes à grande distance seulement jusqu’au milieu du second siècle de notre ère. Ensuite, le transit a été exclusivement maritime, et l’on ne trouve aucune attestation de caravane d’encens ou d’épices plus d’un demi millénaire avant l’islam.
Les exportations d’or et d’argent sont mentionnées dans les traditions sunnites comme faisant vivre La Mecque, mais on ne trouve trace ni de mines dans la région, ni de ce commerce dans les documents des pays supposés être les destinataires, les empires romain, puis byzantin et perse.
Le cuir, les vêtements, les chameaux et les ânes, le beurre et le fromage sont également mentionnés. Tous ces produits sont de faible valeur par unité de poids, et leur transport à longue distance, par un procédé aussi coûteux que la caravane, est économiquement impossible. De plus, tous ces produits peuvent être trouvés en Syrie, beaucoup plus proche des Empires romain ou perse. Les Romains ou les Perses ne peuvent les avoir importés de la Mecque, puisqu’à la Mecque il ne pousse rien. Pour transiter par la Mecque, ils devaient donc provenir du sud de cette ville, au Yémen, à 2.500 kilomètres de distance. Il n’y a aucune vraisemblance à transporter par un procédé ruineux, sur 2.500 kilomètres, des produits disponibles en Syrie.
Enfin, ce commerce international n’est mentionné dans aucun document que ce soit grec, latin, copte, araméen ou syriaque. Ce commerce, que ce soit sous le nom de La Mecque, des Mecquois, ou des Qoreychites, est aussi inconnu que la ville.
Une évaluation économique des pèlerinages mecquois
D’après les traditions sunnites, ces pèlerinages seraient, à côté du commerce, la seconde ressource qui permettait aux Mecquois de vivre. Les données chiffrées étant très rares dans les documents musulmans, il est difficile d’analyser la vraisemblance de cette assertion. Toutefois une analyse, même partielle, vaut beaucoup mieux que rien, car elle permet de connaître les ordres de grandeur.
La première question porte sur la population de La Mecque dans les années 600 et suivantes.
Aucun document islamique ne l’indique. Il est cependant possible de s’appuyer sur des sources musulmanes pour faire une évaluation de la taille de la population alléguée. Les Mecquois, d’après les traditions califales, avaient envoyé 1.000 des leurs combattre à Badr. Compte tenu des femmes, vieillards et enfants, une ville capable de lever une armée de 1.000 guerriers devait avoir au moins 4.000 habitants.
La seconde question est le nombre de pèlerins nécessaires pour faire vivre un habitant.
Les services offerts relèvent de l’hôtellerie, comme pour les touristes aujourd’hui. Or les services aux personnes, dans ce cas la préparation des repas et la l’entretien d’une chambre, ont beaucoup moins évolué que la production d’objets matériels. Les chiffres d’aujourd’hui peuvent donner une première idée. Quand il s’agit de tourisme de luxe, il faut aujourd’hui trois touristes pendant une journée pour faire vivre un prestataire de service pendant une journée. Quand il s’agit de tourisme de masse, il en faut dix.
Au septième siècle en Arabie, ces chiffres doivent être largement majorés : les pèlerins faisaient le voyage à dos de chameau, en emportant avec eux leur nourriture, et en dormant pour les plus riches dans une tente montée chaque soir par leurs esclaves, et pour les plus nombreux à même le sol, enroulés dans leur manteau. Ils n’avaient pas de raison d’agir autrement une fois arrivé dans la bourgade de la Mecque, et laissaient probablement très peu d’argent entre les mains de Mecquois. C’était, dans l’Arabie pauvre des sixième et septième siècles, un tourisme encore plus économique que le tourisme de masse aujourd’hui : le chiffre de dix pèlerins pour un prestataire de service est certainement inférieur à la réalité de l’époque.
La troisième question est celle de la durée du séjour à La Mecque.
Le pèlerinage lui même durait trois jours, mais beaucoup de pèlerins apportaient avec eux quelques marchandises, et faisait des échanges avec les autres. Pour compter large, prenons une dizaine de jours au total.
Même en prenant un chiffre sous évalué, dix pèlerins par habitant et par jour, il fallait 3.600 journées de pèlerins dans l’année pour faire vivre un Mecquois pendant un an. Si les pèlerins passaient dix jours, cela fait 360 pèlerins par Mecquois. Pour 4.000 Mecquois, cela fait un million et demi de pèlerins, beaucoup plus que la population adulte de l’Arabie à cette époque. Et il faudrait croire qu’un mouvement aussi énorme n’aurait laissé aucune trace écrite dans l’Arabie préislamique ! Cela fait aussi une concentration massive de population : 360 pèlerins se succédant, par périodes de dix jours, pendant les 2 mois où la trêve des pillages rendait les pèlerinages et le commerce possible, cela fait en permanence 60 pèlerins par Mecquois, soit 240.000 personnes simultanément, d’où un problème soit de transport des aliments, soit de conservation. Ou bien les aliments étaient amenés à la Mecque pour y être consommés aussitôt, et cela fait un problème de transport, en particulier pour l’eau. Dans ce climat, il faut 10 litres d’eau par jour, soit 2.400 tonnes quotidiennes. Ou bien ils étaient amenés régulièrement tout le long de l’année. Il y a alors un problème de stockage, 144.000 tonnes d’eau à stocker. Dans des cruches ? Il faut encore ajouter la préparation et la vente des aliments par un Mecquois pour 60 pèlerins en moyenne chaque jour. Il est évident que rien de cela n’a de fondement économique crédible.
Ainsi, même en prenant des hypothèses très favorables, la vie économique de La Mecque fondée sur le tourisme religieux n’a pas plus de vraisemblance que son commerce.
Le commerce des pèlerins à La Mecque
Les sources musulmanes excluent formellement un tel commerce : les pèlerins échangeaient dans les harams voisins de La Mecque, à Ukâz, Dhûl-Majâs et Majanna,, mais non à La Mecque elle même, ni dans les deux autres harams voisins, à Minâ ou à Arafa [4].
La Mecque primitive lors des guerres civiles
Au cours de la première guerre civile, de 656 à 661, et au cours de la seconde, de 683 à 685, des voyageurs se rendirent de Yathrib en Irak en passant par la Mecque [5]. C’est un trajet normal si la Mecque en question se trouvait dans le nord, en Syrie en Palestine ou en Jordanie, mais aberrant s’il s’agit de la Mecque actuelle, dans le Hedjaz : en allant vers le nord on ne peut faire étape dans une ville située à 300 kilomètres au sud du point de départ : il devait exister au début de l’islam une autre Mecque, située dans le nord du domaine arabe.
De fait, il existait en Syrie une ville nommée La Mecque. Elle est citée dans la Bible [6]. Sa position est indiquée sur la carte de la page "Le changement de qibla".
Christoph Luxenberg a montré que le nom de La Mecque, qui dérive de la racine mkk n’est pas arabe, et n’a aucune signification en arabe. Par contre, en araméen, cette racine signifie dépression topographique, notamment vallée [7]. Dès lors qu’elle porte un nom araméen, La Mecque primitive a été fondée par des Araméens. Cela ne fait pas de difficulté pour une Mecque située dans le nord, mais cela en fait une pour celle du Hedjaz : il n’y a jamais eu d’Araméens dans la province du Hedjaz, en Arabie centrale. La Mecque du Hedjaz ne peut avoir été fondée, comme le dit l’histoire califale, longtemps avant Mahomet, par des autochtones.
Le changement de La qibla
La quibla est la direction vers laquelle se tournent les musulmans pour fait la prière. Ce fut d’abord vers Jérusalem, la direction de la prière pour les juifs et pour les nazaréens. Ces derniers voyaient en Jérusalem le centre du monde, et les mahgrâyês de Mahomet ont fait de même, et priaient en direction de Jérusalem.
Quand l’islam a remplacé le nazaréisme, la direction de La Mecque devint nécessaire : elle renforçait le caractère arabe de la nouvelle religion et contribuait à effacer le souvenir des nazaréens. La mémoire de la première qibla était cependant trop ancrée pour qu’on puisse l’effacer. La seule possibilité était de la remplacer, et d’inventer une raison islamique pour l’avoir choisie durant un temps.
Cette raison est présentée dans le Coran, dans la biographie de Mahomet d’Ibn Hichâm et dans les hadiths. Une nuit, l’ange Gabriel vint trouver Mahomet pendant son sommeil. Il entra dans la chambre en pratiquant un trou dans le toit, et ordonna à Mahomet d’enfourcher une monture de taille intermédiaire entre l’âne et la mule. La monture avait une tête de femme et s’appelait Bourak [1].
La monture apportée par Gabriel avait des ailes et, à une vitesse fabuleuse, elle emmena Mahomet de La Mecque, où il était censé habiter, à Jérusalem, où il pria dans le Temple, fait étrange : en effet, avant l’Hégire, donc avant 622, quand Mahomet est dit avoir effectué ce voyage, le Temple d’Hérode avait été détruit lors de la prise de Jérusalem par Titus, en 70, et les temples cubiques rebâtis par les émigrés après le succès de Gaza, en 634 n’étaient pas encore construits, et moins encore le Dôme du Roc bâti en 691. Mais quand Mahomet arriva sur l’Esplanade, il y trouva un temple. Lequel ?
Après avoir prié, Mahomet se rendit au Paradis, approcha Allah de si près qu’il l’entendit faire grincer sa plume d’oie sur le parchemin en écrivant lui-même ses décrets. Puis Mahomet revint à Jérusalem, reprit l’animal volant, retourna à La Mecque, se mit au lit et s’endormit. Gabriel reboucha le trou dans le toit de si merveilleuse façon que le lendemain personne n’en vit la moindre trace.
Ce voyage fit de Jérusalem une ville sacrée pour les musulmans, la troisième en importance après La Mecque et Médine, d’où une explication de la première direction de la prière.
En dehors de son caractère fantastique, cette histoire présente des défauts de logique : si La Mecque est plus sacrée que Jérusalem, elle aurait dû être la qibla depuis l’origine. Si le "voyage nocturne" – expression califale – était une raison suffisante pour choisir Jérusalem, on se demande pourquoi cette raison a cessé un jour d’être suffisante. De même, Médine, plus sacrée que Jérusalem, mais moins que La Mecque, n’a jamais eu l’honneur d’une qibla.
La date du changement de qibla apporte d’autres informations. L’échec de la théologie messianique a été reconnu vers 645 ou 650, puisque c’est à cette date que se placent les six changements caractéristiques détaillés page "la naissance de l’islam", au paragraphe "La rupture" et c’est donc après cette date que le changement de qibla est intervenu. Si vous voulez voir cette page, cliquez ici
En fait le changement ne fut généralisé que bien plus tard, plusieurs éléments en font foi. Le premier est un texte de Jacques d’Edesse montrant que le changement de qibla, en 660, n’était réalisé ni à Alexandrie, ni en Babylonie, plus d’un quart de siècle après la mort de Mahomet. En voyage, à cette date, il écrit [2] :
"Ce n’est pas vers le sud que prient les juifs ; et non plus les mahgrâyê. Les juifs qui vivent en Egypte, de même que les mahgrâyê là, comme je le vis de mes propres yeux et veux vous l’exposer maintenant, prient vers l’Est, et ces deux peuples continuent à faire ainsi : les juifs vers Jérusalem et les mahgrâyês vers la Ka’ ba. Et les juifs qui sont au sud de Jérusalem prient vers le nord ; et ceux qui sont en Babylonie et en nhrt et en bwsrt prient vers l’est. Et de même les mahgrâyês qui sont là prient vers l’Ouest, vers la Ka’ba ; et ceux qui sont au sud de la Ka’ba prient vers le nord, vers ce lieu."
Jacques d’Edesse parle de la Ka’ba, terme générique qui signifie cube en arabe. Le Débir, qui renfermait le Saint des Saints dans le Temple d’Hérode était cubique, et c’est à l’image de ce cube que les premiers émigrés ont reconstruit le Temple. La première Ka’ba était le Débir de Jérusalem, et c’est à son image que la Ka’ba de la Mecque a ensuite été construite. Les musulmans savent que Ka’ba n’est pas le nom particulier du temple de la Mecque, mais un terme générique qui signifie cube, et désigne tout temple de cette forme, lesquels étaient assez répandus dans l’antiquité [3] :
"Le nom de Ka’ba vient de la forme à peu près cubique de ce sanctuaire. Le mot servait d’ailleurs, jadis, à désigner certains sanctuaires de même forme."
Il n’est donc pas surprenant que Jérusalem puisse contenir une Ka’ba. Celle-ci imitait le Débir détruit par Titus, et la Ka’ba de la Mecque a fait de même.
Certains érudits musulmans qui connaissent le texte de Jacques d’Edesse disent qu’il n’était pas un géomètre soucieux de précision. Certes, Jérusalem est bien à l’est d’Alexandrie, mais la Mecque est au sud-est, les deux directions forment un angle de 35°. Jacques d’Edesse aurait dit est pour sud-est. Cependant, sa phrase indique que les mahgrâyês – qui ne s’appelaient pas encore musulmans ni même muhâjirûn en 660– prient dans la même direction que les juifs, qui, eux, prient plein est.
L’argument du manque de précision est faible quand on l’applique à Alexandrie, et n’a plus aucune valeur pour la Babylonie, car dans ce pays, Jérusalem est plein ouest, et la Mecque plein sud [4]. Il n’est pas possible de confondre ces deux directions, si peu précis que l’on soit. De plus, Jacques d’Edesse mentionne "ceux qui sont au sud de la Ka’ba". Si la K’aba était à la Mecque, "ceux qui sont au sud de la Ka’ba " seraient les Yéménites, dont Jacques d’Edesse ne sait rien, car il n’a jamais été au Yémen. Au contraire, si la Ka’ba était à Jérusalem, "ceux qui sont au sud de la Ka’ba" seraient les habitants du Néguev, territoire que Jacques d’Edesse a traversé lors de son voyage à Alexandrie.
Un second indice de la date tardive de la généralisation du changement de qibla vient des inscriptions sur le Dôme du Roc. Il est bâti au dessus du rocher où la tradition dit qu’Abraham a accepté d’immoler son fils. Le pavement de marbre de cette mosquée est interrompu au centre du bâtiment, sous le dôme, et laisse affleurer le rocher. D’après la tradition califale sa monture a laissé Mahomet sur l’esplanade, en cet endroit, et, prenant appui sur le rocher, Mahomet aurait bondi jusque dans le paradis. La preuve de ce fait, toujours d’après la tradition califale, est que le pied de Mahomet a laissé sur le rocher une empreinte que l’on peut voir encore aujourd’hui. Or, on peut constater qu’aucune inscription ne fait mention de ce voyage nocturne, ni sur les parois de la moquée, ni sur le pourtour du dôme. Si la légende du voyage nocturne avait existé en 691, lors de la construction de cette mosquée, elle aurait été mentionnée dans les inscriptions. La légende est donc nécessairement postérieure à 691. Cette légende, expliquant la première qibla, était nécessaire lorsque la seconde qibla a été imposée, et que certains se sont demandé pourquoi la première qibla avait existé pour un temps. Le changement vers la seconde qibla n’a pu être généralisé que lorsque la première qibla a été expliquée, donc après 691 : il a été très tardif, bien après la mort de Mahomet.
La raison de la date tardive est sans doute qu’il ne suffisait pas de prendre acte de l’échec de la théologie messianique des nazaréens, il fallait encore en construire une autre.
Quand, probablement au début du huitième siècle, les califes Omeyyades ont voulu généraliser le changement de qibla, ils ont raconté que Mahomet l’avait déjà fait, et qu’ils rendaient universelle une mesure déjà prise par le prophète sur l’ordre d’Allah. D’après la date de ce changement, il s’avère que Mahomet n’y fut pour rien.
Nous touchons du doigt le troisième bénéfice tiré de la reconstruction : faire couvrir par le précédent de Mahomet agissant sur l’ordre d’Allah des actes que l’autorité des califes ne suffisaient pas à imposer.
[1] Quand les Arabo-musulmans envahirent l’Espagne, et parlèrent de Bourak aux Espagnols, ceux-ci en tirèrent le mot burro, qui signifie âne, dont nous avons tiré bourrique et bourricot. Ce mot, en effet, n’a pas de racine en indo-européen. Le mot latin est asinus, dont nous avons fait âne.
[2] Patricia Crone et Michael Cook, opus cit.
[3] Encyclopédie de l’islam, article Ka’ba.
[4] La position de Bagdad, proche de ce qui fut la Babylonie, est indiquée sur la carte du chapitre 18.
La Mecque et la pêche
Le Coran mentionne deux fois la Ka’ba, et la tradition califale déclare que ces deux mentions concernent la Ka’ba de la Mecque. Ces mentions introduisent une difficulté majeure : elles se trouvent dans la sourate 5, versets 95 et 97. Ces deux versets encadrent le verset 96, qui autorise le gibier de mer. Il n’y a aucune raison de parler du gibier de mer à propos de la Ka’ba si celle-ci se trouve à la Mecque du Hedjaz, car, faute de bois pour construire des barques, il n’y a pas de pêcheurs dans cette région, à plusieurs centaines de kilomètres à la ronde. Le bois y est si rare que pour expliquer comment les Mecquois avaient réparé la Ka’ba, la tradition califale raconte qu’un navire byzantin avait été jeté sur la côte par une tempête, et que les Mecquois avaient récupéré ses débris pour construire la charpente du toit de la Ka’ba.
La première Ka’ba et la première Mecque
Le terme Ka’ba est générique et désigne un temple cubique. Or, à côté d’Homs, dans la Syrie actuelle, dans une région que la toponymie indique comme ayant été peuplée de nazaréens, il existe un Abil Bet Ma’aqa mentionnée dans la Bible [8]. Cette mention indique qu’Abil Bet Ma’aqa existait onze siècles avant notre ère. Abil Bet Ma’aqa, signifie cours d’eau de la maison ou du temple de la Mecque. Cette Mecque là, située en Syrie, est différente de la Mecque du Hedjaz dont parle l’islam.
Entre la Mecque de Syrie et la mer, il y a des montagnes couvertes de forêt, ce qui permet de construire des barques de pêche. De plus, tout près d’Abil bet Maa’aqa, se trouve un mont nommé Abu Qubays, et ce nom a été donné à une éminence proche de la Mecque. Cela fait beaucoup de coïncidences.
La Mecque du Hedjaz a été fabriquée et nommée pour effacer le souvenir d’une Mecque syrienne où se trouvait un temple sacré pour les nazaréens. Le souvenir du lieu, de son caractère sacré, de son temple se trouve dans les versets cités du Coran, et sans doute aussi dans des traditions orales présentes à l’époque et perdues aujourd’hui : ces traditions orales devaient faire état de la colline Abu Qubays, car, sans de telles traditions, il aurait été sans objet d’imiter au voisinage de la Mecque du Hedjaz le nom d’un mont proche de la Mecque de Syrie. Comme pour le nom de Médine, faute de pouvoir le faire disparaître, il était possible de le réinterpréter de façon telle que la nouvelle interprétation ne fasse pas resurgir le souvenir des nazaréens.
La Ka’ba du Coran est très probablement celle d’Abil Bet Ma’aqa, et La Mecque initiale celle de la Bible.
La date de la construction de la Mecque du Hedjaz
Dans le pèlerinage préislamique des cinq haram, proches du site où est bâtie aujourd’hui La Mecque, la première station était Arafa, où débutaient les dévotions. Les pèlerins se rendaient ensuite à Ukâz, Dhûl-Majâs et Majanna, puis terminaient à Minâ, où avaient lieu les sacrifices, où les pèlerins se rasaient la tête, et où ils abandonnaient l’irhâm, l’état de sacralisation qui imposait diverses restrictions durant le pèlerinage. Cet abandon marquait la fin du rite. Les pèlerins se rendaient pendant les deux mois sacrés à ces stations. Les opérations de pillage et de guerre étaient alors proscrites et les pèlerins profitaient de ce rassemblement pour commercer. Le territoire de ces cinq stations était libre et inhabité ; les nomades pèlerins plantaient leurs tentes où ils voulaient.
Ce fut Omar qui, avant de devenir calife, proposa de transformer cet antique pèlerinage en institution islamique [1]. Un verset du Coran vint opportunément confirmer sa proposition [2]. A dater d’Omar, le pèlerinage commença à La Mecque, qui ne s’appelait pas encore La Mecque, mais la station d’Abraham, avant de continuer à Arafa pour le début rituel, de se terminer à Minâ pour les rites de conclusion, suivi d’un retour au lieu qui est devenu celui de La Mecque. Le passage en ce lieu avant le début et après la fin du pèlerinage est ainsi un ajout à une institution antérieure à l’islam. Hisham rapporte, d’après Kalbi [3] :
"Les gens allaient en pèlerinage, puis se dispersaient, de sorte que La Mecque restait vide, personne n’y habitant."
Ainsi, à cette époque, au début de l’islam, La Mecque n’était pas une ville permanente, mais un lieu où se rassemblaient les pèlerins, pendant la période du pèlerinage, et qui restait déserte le reste de l’année.
Muawiya, calife de 661 à 680, effectua de très importantes constructions sur le site de La Mecque. Elles déclenchèrent une tempête de protestations [4]. Les musulmans voulaient que ce lieu reste comme il était, semblable aux autres stations du pèlerinage, les cinq haram.
Puisque les musulmans protestataires voulaient que la Mecque demeurât semblable aux stations pour y planter leurs tentes à leur gré, et que La Mecque était déserte après leur départ, c’est que la proposition d’Omar avait ajouté un sixième haram, aussi désert et inhabité que les cinq autres. Si les constructions de Muawiyah avaient simplement agrandi une ville existante, il n’y aurait pas eu de protestation : il y a suffisamment de kilomètres carrés de désert en Arabie. Les protestations signifient que le lieu précis du nouveau haram de La Mecque devenait une ville.
Ainsi, l’emplacement de La Mecque est devenu un lieu inhabité mais sacré vers 630. Il faut noter qu’à cette date, au moment où Omar a proposé de faire un lieu de pèlerinage en partant du site actuel de la Mecque, la rupture entre nazaréens et Arabes n’était pas intervenue. Il n’y avait donc aucune raison de vouloir remplacer la Mecque syrienne des nazaréens par une Mecque arabe du Hedjaz. C’est bien ce que l’on voit dans les textes : à l’époque où Omar a fait sa proposition, ce lieu s’appelait la station d’Abraham et non La Mecque. On voyait pointer la demande des Arabes de donner un caractère plus ethniquement arabe à une religion dont la majorité des adeptes étaient arabes, mais il n’y avait à ce moment aucune tentative d’éliminer les nazaréens.
Quarante ans plus tard, vers 670, vingt ans après la rupture, une ville portant le nom de La Mecque a été construite par Muawiyah au lieu dit la station d’Abraham. Le nom de La Mecque, qui apparaît pour la première fois à cette date, et plus encore celui du mont Abu Qubays, manifestent la volonté d’occulter la présence initiale des nazaréens. Cependant, à cette dernière date, les deux Mecque coexistaient dans les traditions, celle de Syrie et celle du Hedjaz, puisque Muawiyah, premier constructeur de la Mecque du Hedjaz, est mort en 680, alors que lors de la seconde guerre civile, de 683 à 685, des voyageurs connaissaient toujours la Mecque de Syrie. Les raisons qui ont conduit les califes à vouloir occulter la Mecque des nazaréens relèvent probablement de traditions aujourd’hui disparues. Au moment de la construction de la Mecque du Hedjaz, cette ville n’était toujours pas le lieu de naissance allégué de Mahomet, car celui-ci n’était toujours pas considéré comme un prophète, et n’avait donc nul besoin d’être né dans l’Arabie profonde.
Vers 690, d’après les inscriptions du Dôme du Roc, le caractère prophétique de Mahomet est allégué pour la première fois. Une nouvelle origine est donnée aux textes sacrés, qui permet d’effacer le souvenir des nazaréens. C’est sans doute à ce moment que la Mecque est devenu le lieu de naissance allégué de Mahomet, afin que la nouvelle religion, qui commençait tout juste à être nommée islam, puisse avoir une origine arabe.
[1] Suyûtî, Itqân, d’après Boukhari et d’autres ensembles classiques de hadiths.
[2] Sourate 2, verset 125.
[3] Patricia Crone, opus cit.
[4] M.J. Kister, Some Report Concerning Mecca from Jâhiliyya to Islam, Journal of the Economic and Social History of the Orient, 16, 1972.
La Ka’ba de La Mecque.
Ka’ba signifiait sanctuaire en araméen. C’est pourquoi Jacques d’Edesse avait écrit, en 660, que les émigrés, les mahgrâyês, priaient vers une Ka’ba qui se trouvait à l’est d’Alexandrie, à l’ouest de la Babylonie, au nord du Néguev qu’il avait traversé pour aller en Egypte. C’est à Jérusalem qu’elle se trouve.
La Ka’ba de La Mecque reproduit le modèle du Débir, en plus petit, car le Débir avait 50 mètres de côté, et la Ka’ba de La Mecque 18 seulement, sans être d’ailleurs, malgré son nom, un cube exact. Elle a du être construite vers 670, car en 660 les Mahgrâyês priaient encore vers Jérusalem, et une attestation historique indique que la Ka’ba de La Mecque a brûlé en 683, lors de la guerre civile menée par l’anti-calife Abdullah Ibn al-Zubayr. A cette époque, c’était donc un bâtiment en bois. Elle fut reconstruite en forme semi-circulaire. En 692, le général Hajjâj prit La Mecque pour le compte du calife Abd al-Malik. Il fit démolir la Ka’ba de l’anti-calife et en reconstruisit une cubique.
L’emplacement a été choisi par des gens qui n’avaient visiblement jamais habité cette région, car ils ont construit la Ka’ba au centre de la vallée. Les pluies y sont extrêmement rares, mais il s’en produit parfois de diluviennes, qui font naître pour quelques heures un torrent violent, lequel dévaste le fond de la vallée. La Ka’ba est si mal située qu’elle fut plusieurs fois ravagée, pour être finalement détruite en 1620. Elle fut reconstruite en 1631 en gros blocs, avec une garde de pierre au bas du mur pour la protéger des inondations. Les musulmans qui aujourd’hui font le pèlerinage de La Mecque s’imaginent voir une construction édifiée par Abraham, il y a quatre mille ans. Celle qu’ils voient n’en a pas quatre cents.
La raison de la création de La Mecque du Hedjaz
La Mecque du Hedjaz a d’abord été créée pour occulter La Mecque nazaréenne, donnant ainsi à l’islam une origine arabe, capable d’utiliser la force des sentiments ethniques. Ensuite, quand Mahomet a été considéré comme un prophète, la Mecque du Hedjaz lui a été attribuée comme lieu de naissance, toujours dans le même but. Et finalement, elle a été utilisée pour faire de l’Exode une histoire purement arabe. Les califes ont agi comme les personnages de Jules Romains dans sa pièce Donogo Tonka. Un géographe a par erreur indiqué l’existence d’une ville de ce nom. Il fonde la ville afin que la réalité soit conforme à ce qu’il a écrit.
[1] Patricia Crone, Meccan trade and the rise of islam, Gorgias press, Piscataway, Etats unis, 2004.
[2] Comparaison d’un trajet maritime de 2000 kilomètres, d’Alexandrie à Rome, et d’un transport par terre de 80 kilomètres. Voir Patricia Crone, opus cit..
[3] W.W. Müller, Weihrauch. Ein arabisches Product und seine Bedeutung in der Antike. Tiré à part de Paula-Wissowa, Realencyclopädie, Supplementband 15. Munich, 1978. N. Groom, Frankincense and Myrrh, a Study of the Arabian Incense Trade, Londres 1981.
[4] Patricia Crone, opus cit.
[5] J. van Ess, Frühe Mu’tazilitische Häresiographie, Beyrouth, 1871. Muhammad b. Ahmad al-Dhalabi, Tarikh al-islam, Le Caire, 1367-69, vol II.
[6] 2 Samuel, 10, 8.
[7] Christoph Luxenberg, opus cit.
[8] 2 Samuel, 10, 8.
Les Scribes du Coran : Etaient il à la mecque.
Les scribes du Coran
L’écriture arabe a été créée à partir du nabatéen [4] et du syriaque [5], par des moines chrétiens, à Ambar, sur la rive gauche de l’Euphrate, à une soixantaine de kilomètres de Bagdad, vers l’an 400, environ deux siècles et demi avant l’islam. Les créateurs de cet alphabet étaient des Chaldéens, descendants des Babyloniens, une ethnie non arabe, parlant une variante de l’araméen. Ils ont mis leur talent et leur science au service de la langue arabe parlée par les tribus arabes, essentiellement les Lakhms, qui nomadisaient sur leur territoire. Cette écriture est passée ensuite à Hîra, sur la rive droite, d’où elle s’est progressivement répandue dans la partie nord du Proche-Orient, où nomadisaient d’autres tribus arabes, puis en Jordanie et Syrie. La première inscription arabe, dans une écriture nommée coufique, bien que la ville de Kûfa ait été fondée longtemps après la date des premières inscriptions, date du quatrième siècle, et se trouve dans le sud de la Jordanie. Elle est unique pour ce siècle. On n’en a retrouvé aucune datant du cinquième siècle. Au sixième siècle, les inscriptions se multiplient, d’abord dans le nord de la Jordanie et le nord-ouest de la Syrie, puis dans le reste de la Syrie, la Jordanie, la Palestine et le Néguev. L’écriture arabe y était connue et pratiquée au début de l’islam, au 7ième siècle.
Il existait un royaume arabe, celui des Ghassâns, qui couvrait la Jordanie et une partie de l’ouest de la Syrie. Ces Arabes étaient chrétiens, alliés plus ou moins fidèles des Byzantins. Au sixième siècle, la totalité des inscriptions ne se trouve que dans ce royaume, sur ses marges, et dans les monastères de Hîra en Mésopotamie.
En ce même sixième siècle, et aussi au début du septième, les épigraphes n’ont trouvé aucune inscription dans le Hedjâz, la région qui entoure la Mecque, ni en aucun autre lieu de l’Arabie centrale, ni en arabe, ni en une autre langue. Les toutes premières, extrêmement rares, sont datées l’une de 20 ans après la mort de Mahomet, l’autre de 40 ans, puis de 60. Il faut un bon siècle avant qu’elles ne se multiplient [6].
Les scribes du Coran, selon l’histoire califale, étaient des gens pauvres, car le parchemin, vieux alors de deux mille ans, était passé dans l’usage courant huit siècles avant l’islam, mais n’était pas à la portée de leur bourse. Mahomet, toujours selon l’histoire califale, s’intéressait si peu au destin de ses discours qu’il n’a pas jugé utile de fournir du parchemin ou du papyrus aux auditeurs qui prenaient des notes. Pourtant, il est dit avoir été, à la Mecque, l’époux d’une commerçante aisée, et, à Yathrib, il avait les moyens de financer des armées. Il était donc assez riche pour payer du matériel de copie. Il ne l’a pas fait, ni à la Mecque, ni à Yathrib, d’où l’usage des pierres plates, des ossements de chameaux ou d’âne, des stipes de palmier.
Ce sont des gens sans moyens, des fans dirait-on aujourd’hui, qui ont pris ces notes, à titre privé. Bien que pauvres, ils savaient lire et écrire l’arabe. Les régions où des gens pauvres savaient lire et écrire l’arabe sont connues par l’histoire de l’écriture arabe et par l’épigraphie. Les scribes qui, selon l’histoire califale, auraient pris en note les discours de Mahomet pendant les dix premières années de l’islam sont supposés avoir vécu à la Mecque, dans le Hedjâz, au centre de l’Arabie. Les spécialistes s’accordent sur le fait qu’en ce lieu, à cette époque, personne ne savait écrire.
Le seul endroit, où, au début de septième siècle, la langue arabe écrite était connue et pratiquée correspond au nord de la péninsule arabique, Jordanie, Syrie, Palestine, Néguev. Mahomet ne peut avoir commencé sa carrière à la Mecque, car, si tel avait été le cas, ses discours n’auraient pu être pris en note. Il a commencé là où existaient des scribes sachant écrire l’arabe.
Autres liens :
http://www.equi-nox.net/t9206-dossier-fevrier-2014-les-religions-preislamiques-de-la-peninsule-arabique
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